L'ombre des arbres est une pierre précieuse...

L'air bruissait de milles sons emportés par le vent à travers le parc immense. Le cours de l'eau, si doux et si fluide, enchantait le regard à demi-clos de Sô qui se prélassait à l'ombre d'un arbre. La châleur la berçait, et son voeux le plus cher fut de pouvoir rester ainsi pendant des heures, sans jamais plus avoir cours...

Ses longues jambes gracieuses et sensuelles s'étendaient de tout leur long sur l'herbe verte, et sa belle chevelure noire dansait à travers les fleurs multicolores. L'écorce de l'arbre qui soutenait son dos était si confortable qu'elle eût pu y dormir comme un enfant. De temps en temps, un semblant de discussion provenant de quelques groupes d'étudiants qui passaient à proximité atteignait ses oreilles passives. Heureusement, ces groupes ne s'arrêtaient jamais près d'elle. La demoiselle n'aurait voulu être dérangée sous aucun prétexte, car cette somnolence lascive était fort agréable...

Si son corps n'esquissait plus le moindre mouvement, son esprit quant à lui était bel et bien actif, même si son cheminement de pensée, comme bloqué sur la fonction "répétition" se retrouvait toujours au même point au bout du compte, comme un quarante-cinq tour rayé. Ses songeries s'éternisaient, se perdaient et revenaient toujours au même point : sa rupture avec Sakura. C'était ainsi depuis deux semaines. Zombiéfée par cet évènement, la demoiselle n'était plus que l'ombre d'elle-même. Sô rêvait de la revoir mais elle n'avait plus de nouvelles de Sakura depuis lundi dernier et sentait qu'elle n'en aurait sûrement plus jamais. Cela l'horrifait à un tel point qu'elle ne pouvait plus réfléchir convenablement.

L'heure sonna. Sô réagit à peine...

La récréation... On n'apprécie le sens de ce mot que quand on est encore à l'école. Et, quand on venait d'assister à un cours de bonnes manières, on est encore plus heureux d'entendre la sonnerie nous libérer de ce supplice ! Demandez donc à Aneko : cela faisait une heure que sa professeur s'acharnait sur elle. Il est probable qu'entre la jeune fille et la vieille acariâtre qui s'échinait à leur apprendre comment se conduire convenablement en société, ça n'est jamais collé. Dès la première seconde de cours, la professeur avait remarqué Aneko, ou plutôt son "horrifiante" coiffure : elle avait à l'époque des mèches roses dans ses cheveux noirs d'asiatique. La vieille femme s'était précipitée sur elle pour lui donner directement trois heures de colle. Tout ceci avait duré toute l'année et à chaque fois, comme pour la provoquer, Aneko soignait bien son look. Aujourd'hui, elle avait donc largement relevé sa jupe, comme d'habitude, mis des low-socks (alors qu'elle détestait ça) et fait des couettes. Mais, elle ne comptait pas rester ainsi toute la journée et comptait bien ôter son accoutrement. Qu'est-ce qu'on ne faisait pas pour embêter son monde, hein ?! Encore une fois, James devrait lui expliquer en quoi apprendre les bonnes manières était capital pour son avenir.

Traversant la cour à toute vitesse, elle cherchait donc désespérément un banc libre. C'était à croire que tous les couples s'étaient donnés rendez-vous aujourd'hui ! C'est alors qu'une silhouette adossée à un arbre accrocha son regard. Visiblement une fille. Aneko sourit et s'approcha d'un pas décidé. Elle remarqua alors qu'en fait, elle connaissait la personne sous cet arbre. Enfin, elle savait qu'il s'agissait de Sonoko puisqu'elle avait posé une fois avec elle. Peut-être que la jeune fille ne se souviendrait pas d'elle. Mais, ça ne gênerait pas Aneko : celle-ci s'assit à ses côtés et lâcha un soupir. Et si elle la dérangeait ? A vrai dire, ceci n'était pas du tout venu à l'esprit de la jeune mannequin : trop de bonnes manières condensées en une heure avaient dû la rendre sans gênes ! Elle regarda Sonoko qui était là, se prélassant au soleil alors que la cloche venait de sonner :

Hey, belle plante, t'as pas cours ?

Drôle de manière d'aborder quelqu'un, certes. Sans attendre une quelconque réponse de la jeune fille, elle tira sur les élastiques qui retenaient ses couettes pour ôter cette horrible coiffure puis se pencha pour retirer les low socks de ses mollets. Qu'est-ce qu'elle ne faisait pas pour mettre en rage cette vieille bonne femme !

(Désolée, la flemme de faire de grandes descriptions, je serai plus performante au prochain post !! ^^')

"..."

Sô ouvrit les yeux, sans esquisser le moindre geste. Elle appréciait Aneko pour sa manière d'être et ne considéra pas, lorsqu'elle la vit, que celle-ci la dérangeait. Seule le mot "cours" heurta ses oreilles.

" Pas envie d'y aller... Vraiment, pas du tout envie d'y aller... Et toi ? ... Pas cours ? grommela entre ses lèvres l'adolescente, qui déjà refermait les yeux.

Après avoir étouffé un baillement, celle-ci resta silencieuse, écoutant les petits bruits que faisait Aneko en se changeant. Une brise fraîche la fit frissonner. C'était agréable...

" ... Tu fais quoi ?" demanda t-elle au bout d'un moment, histoire de lancer une discussion, même quelconque.

Sô profita de ce début de conversation pour trouver un regain d'énergie et se redresser quelque peu. Elle se recoiffa en passant ses doigts dans ses cheveux, arracha une jolie fleur et joua avec...

"Au fait, ça fait longtemps qu'on s'est pas vue, hum ? Tu fais un shoot prochainement ?"

On aurait pu aisément croire que Sonoko, couchée ainsi sous cet arbre sans bouger un poil, était endormie, voire morte. Aneko aurait pu très bien le croire si Sonoko n'avait pas ouvert un oeil, d'un air indifférent que certains qualifieraient de "las". Finalement, elle expliqua qu'elle n'avait pas envie d'aller en cours. La jeune mannequin répondit par un simple haussement d'épaules mais il n'était pas sûr que la fille couchée à l'ombre de l'arbre l'ait vu puisqu'elle avait déjà refermé les yeux. Aneko répondit à sa question tout en s'allongeant un peu plus contre l'arbre :

Eh bien... On va dire que non, je n'ai pas cours.

En fait, elle devait aller en permanence. Le lycée avait aménagé des horaires obligatoires pour étudier mais Aneko n'avait pas envie d'y aller. Comme bien souvent d'ailleurs. Mais, cette fois-ci, elle avait une excuse valable : pourquoi aller s'enfermer dans une salle de classe silencieuse et devoir étudier quand elle pouvait rester là, par une journée magnifique et avec Sonoko ? Au moins, si jamais elle avait besoin de dégourdir sa langue, il n'y aurait aucun problème à ça... Respectant le silence ou plutôt la sieste de Sô, Aneko ferma doucement les yeux. Elles restèrent ainsi quelques temps jusqu'à ce que la jeune fille brise le silence en lui demandant ce qu'elle faisait. Aneko fronça légèrement les sourcils et lança :

Bah, je suis là, couchée contre un arbre au lieu d'aller en cours avec une certaine Sonoko, et toi ?

La jeune fille s'était relevée et commença à jouer avec une fleur. Aneko se redressa un peu, s'appuyant sur les coudes puis dit :

Un shoot ? J'en fais un dans deux semaines... Et toi, tu continues à poser ?

Finalement, cette position s'avérant plutôt inconfortable, elle se retourna pour se mettre sur le ventre, posant sa tête sur une de ses mains avant de passer l'autre dans l'herbe. Elle adorait faire ça, comme si sentir l'herbe frotter contre sa peau l'apaisait.