croisière de luxe... (ouvert à tous ^^)

Tiens ! Le soleil se décidait-il donc à prendre le dessus sur la pluie ? En effet cela faisait quelques jours déjà que Yue n'avait pas vu les fameuses goutelettes qu'elle appréciait tant... Zut, bientôt, plus une goutte d'eau n'osera pointer le bout de son nez, le temps se réchauffera, de plus en plus, jusqu'à atteindre l'été... Quelle saison idiote! Autant savourer pleinement la fin de l'hiver et le printemps avant de se brûler la peau et les os sous les rayons ardents de l'astre du jour.
Aujourd'hui, c'était samedi, Notre petite boule de gêne et de timidité ambulante venait de sortir de ses cours du matin, et elle n'avait qu'une envie : faire quelque chose de nouveau !
Eh oui, il y a des jours comme ça, où on peut se réveiller plein d'ambition, plein d'énergie ou bien plein de bonne volonté; des jours où on a l'impression de pouvoir dominer le monde, de pouvoir faire des choses extraordinaires, de pouvoir vaincre sa timidité (tout est relatif)...
Il y a de ces jours où vous avez des idées qui vous viennent, comme ça, des idées farfelues mais si simple à réaliser, et qui vous feraient tellement plaisir...
Aujourd'hui était un jour comme ça. En sortant de son cour de musique, Yue avait décidé qu'aujourd'hui, elle achèterait un panier repas, et qu'elle se rendrait au parc Nakajima pour faire un tour de barque... Que voulez-vous? Aujourd'hui, certains se sont réveillés en se disant qu'ils allaient devenir président de la République; Yue, elle, était sortie d'un cour avec la simple envie d'aller manger un morceau sur une barque... Viendra le temps où ses ambitions seront plus palpitantes, pour le moment, nous en sommes là!
La jeune fille était donc à l'entrée du parc, son pique nique sous le bras, marchant d'un pas vif sur les petits chemins tortueux qui zigzagaient paisiblement entre les étangs. Mais l'étang qui l'interressait était encore un peu plus loin.
Elle était sortie vite de l'Internat, la plupart des élèves étaient soit encore en train de sortir de cours, soit rentrés chez eux. les rares personnes déjà présentes étaient surtout des personnes âgées. Yue aperçut un petit couple ridé, bras dessus bras dessous, marchant lentement sur les chemins. Un autre était en promenade romantique sur l'étang prévu à cet effet... La petite jeune eut une bouffée d'attendrissement : qu'ils sont mignons, ces petits couples de vieux !! Elle se surprit même à penser qu'elle souhaiterait vieillir ainsi... en essayant de ne pas vieillir trop vite cela dit.
Déjà les groupes d'amis commençaient à arriver, et Yue ne put s'empêcher de penser qu'ainsi seule, elle faisait un peu... Tache >.< Chassant rapidement cette idée de son esprit, elle entreprit de se rendre à l'embarcadère pour louer une barque, avant de perdre sa bonne volonté et de rentrer chez elle le moral dans les baskets.
Elle arriva devant l'homme d'une trentaine d'années qui se chargeait de délivrer les bateaux...

" Bonjour Monsieur, est-ce qu'il serait possible de louer une barque pour une ou deux heures?
- Oui, évidemment, elles sont là pour ça!
- Merci beaucoup! Et ça ne dérange pas si je...
- Excusez-moi de vous couper mais... Vous êtes toute seule ?"

Oh non.. C'en était trop, Yue avait trop honte d'arriver ainsi, seule, son panier repas dans les bras... Ses joues prirent une jolie teinte dans les tons coquelicot tandis que son cerveau tourn ait à cent à l'heure pour trouver une réponse normale à une telle question... Si elle avait été une autre personne, elle aurait sûrement répondu un "oui, ça pose problème?", simple et catégorique ; malheureusement elle ne pouvait cesser d'être elle-même, pas même quelques secondes, et répondre ainsi à un adulte qu'elle ne connaissait pas ne lui traversa même pas l'esprit.

" Euh... Euh... Mais euh... Je... Je ne suis pas seule ! "

s'exclama-t-elle, s'agrippant au bras de la première personne venue, celle-ci dorénavant condamnée à un tour en barque en compagnie de Yue...

Enfin le soleil demeurait. La jeune fille lâcha un soupir de soulagement et plaça sa main de façon à ce qu'elle la protège des rayons éblouissants de ce soleil cuisant que Setsuko aimait tant. La plage, la piscine, la chaleur étouffante et la sueur collante, elle ne jurait seulement et uniquement par ça. La pluie la déprimait et le gel la transperçait de douleur : elle n'aimait vraiment pas le mauvais temps. Un sourire se dessina peu à peu sur les traits fins et gracieux de l'adolescente. En ce jour de samedi, elle trouvait un réconfort nouveau à se promener dans le parc de Sapporo. Elle avait quitté son uniforme obligatoire de Bokuseki pour la décontraction d'un simple short en jean clair délavé et d'un aussi simple tee-shirt à manches trois-quart jaune pâle. Elle glissait presque sur ses tennis légères à semelles plates et sifflotait presque.

Presque, parce qu'elle se souvint à l'instant qu'elle se trouvait seule, n'ayant pas sût se faire d'amis véritables. Elle avait certes quelques connaissances, mais ne les avaient jamais approfondies. Prise dans un profond sentiment de confusion, elle soupira à nouveau, de dépit cette fois, et baissa la tête en ralentissant sa marche pourtant si enjoué il y peu. Elle marchait lentement, à présent, mais elle n'avait pas totalement perdu sa bonne humeur. Elle passa sa main dans ses cheveux libres, et mit ses deux mains dans ses poches, soulagée. Setsuko était certaine qu'elle n'allait pas tarder à se faire des amis. Non, elle allait faire avancer le cours des choses !

" - Bonjour mademoiselle, sauriez-vous où se trouve le kiosque ?
- Ah ! Désolé, je ne sais vraiment pas, c'est la première fois que je me promène dans ce lieu et, comme vous, je n'y connais rien ...
- Bon. Ce n'est pas grave, je vais me poster devant l'entrée du parc alors, Misha me trouvera facilement. Vous savez, Misha, c'est ma petite copine, elle est si jolie !
- Oui, bon ... je dois y aller maintenant, répliqua séchement Setsuko. "

L'étudiante passa devant lui, comme une furie. Elle en avait plus qu'assez de ces jeunes couples futiles et oisifs. Bien qu'elle même espérait un jour attendre ce stade de l'ignorance du mot haine. Elle soupira encore une fois - décidement, à présent, cela faisait d'elle une soupireuse ! - et accélera la marche, pour se poser sur un banc. Ce jeune garçon à peine âgé d'une quinzaine d'années était vraiment mordu de sa copine. Setsuko l'imaginait blonde, à poitrine proéminente, genre pompom-girl. Oui, une réplique parfaite de ces filles sorties tout droit d'une série à l'eau de rose, vraiment parfumée à la rose.

Elle se releva, ses pensées enfin étalées et sûre d'elle même, elle continua sa route jusqu'à arriver devant une petite cabane en bois rustique. A côté se trouvait des barques, accrochées sur la rive où se trouvait Setsuko. Elle songea un instant à en faire un tour mais se souvint qu'elle était désespérement seule, tristement seule. De plus, le marchand était déjà occupé avec une jeune adolescente frêle, peut-être un peu plus jeune qu'elle. Elle semblait timide et lorsque Setsuko sentit une main l'aggriper à l'épaule, elle frisssona : la jeune fille aux cheveux presque roux l'avait attraper !

Sa réaction, peut-être un peu trop spontanée, entraîna un étrange silence… L’homme restait silencieux, perplexe, la jeune fille qu’elle avait attrapée restait silencieuse de surprise, probablement, et Yue… Yue restait silencieuse car elle avait peur de passer, comme à son habitude, pour une écervelée, rouge tomate qui plus est.

Alors qu’elle se mettait à trembler comme une feuille morte, l’homme les regarda en souriant. Il n’avait pas l’air bête et avait sûrement compris que les deux jeunes filles étaient totalement inconnues, il devait certainement, en ce moment même, compatir pour la pauvre victime que saisissait Yue avec force. Tiens, d’ailleurs, cette jeune fille ne lui était pas si inconnue que ça. Un visage pareil ne s’oubliait pas, mais où avait-elle bien pu la rencontrer auparavant ?

La brunette la fixait désormais de ses immenses yeux noisette, magnifiques soit dit en passant, et Yue ferma les siens, prise dans une concentration – et un embarras – intenses. Zut ! Qu’avait-elle encore fait ? Elle se maudissait de l’intérieur de n’avoir pas pu rembarrer le batelier trop curieux, elle ne serait pas en cet instant dans un tel état de gêne. Et surtout, elle plaignait la jolie jeune fille d’être contrainte de vivre cette scène pitoyable à ses côtés… Sans rire, elle serait passée trente secondes auparavant, Yue aurait saisi une autre proie et l’aurait ainsi laissé poursuivre sa promenade tranquillement ! Aaah, quelle prise de têêêête… >.<’

Notre petite timide rouvrit ses yeux, rendus brillants car elle était en effet sur le point de se mettre à pleurer. Elle avait peur de croiser le regard de sa cible, et celui de l’homme n’était pas franchement des plus appréciables. Yue, qui n’était déjà pas très grande, se sentait une fois encore des plus minuscules…
Avez-vous déjà vécu ces moments de paranoïa aiguë où vous avez la nette impression que le monde entier vous regarde et se moque de vous ? Evidemment, ce genre de phénomène étrange n’arrive pas lorsque vous gagnez le 100 mètres pendant un interclasse d’athlétisme où un autre moment de gloire où vous n’avez d’autre choix que de vous sentir génial. Non, ce phénomène-là arrive toujours au moment le plus inopportun, le plus mal choisi. Par exemple, lorsque vous vous viandez dans les escaliers de votre internat entre deux cours, quand les couloirs sont inondés de monde (ça sent le vécu), ou encore quand vous attrapez une presque inconnue pour ne pas passer pour une solitaire devant l’homme qui délivre les bateau au parc Nakajima de Sapporo… Oui, en cet instant, Yue se sentait observée par l’univers tout entier, ce qui l’embarrassait plus encore que si elle n’avait été observée que par les deux seules personnes concernées.

Elle décrispa ses doigts du bras de la jeune fille, lui laissant une chance de s’enfuir, pendant qu’il en était encore temps, en bredouillant tant bien que mal :

" Ah… Ah, go… gomen nasai ! "

Toujours sous l'emprise du bras étonnement fort contrairement à la carure de l'adolescente qui l'avait attrapé par l'épaule, Setsuko jeta un oeil vers le visage de cette jeune fille probablement déspérée pour comettre un tel acte. Ses yeux brillait d'une étrange lueur et des larmes essayaient de percer ses prunelles dorées. Setsuko soupira et se demanda pourquoi elle se tenait là, dans une posture bizarre : sa tête collait l'épaule droite de la jeune fille tandis que son bras gauche était emprisonné ; son genou droit était plié et son autre jambe tendu comme ce fil que les acrobates utilisent sur cette énorme poutre en fer. Les cirques, elle en avait vu des centaines de miliers - peut-être plus - dans sa vie, mais Setsuko n'arrivait jamais à se rappeler du nom des objets que les artistes utilisent.

Bref, elle se trouvait dans une drôle de posture et, alors qu'elle avait décidé de se place correctement, on lui lâcha le bras. Suivit d'une chute sur son postérieur et d'une légère et timide excuse. Setsuko ouvrit grand ses yeux à l'entente de ce pardon : la voix de la jeune fille était terriblement mignonne. Ça allait jouer en sa faveur. Setsuko le savait bien. Peut-être trop bien. Elle se releva et épousseta son derière qui, certainement récolterait un gros et bel ématome (?) qui ne partirait pas avant très, très longtemps. Qu'importe ! Setsuko venait de faire une connaissance, et elle n'allait pas la gâcher comme cela !

" - Oh. Non ... c'est moi, vraiment, je n'aurais pas dût me promener ici et encore moins près de ces barques, l'eau m'a toujours porté malheur mais je m'en approche toujours un peu trop, déclara-t-elle, esquissant un léger sourire. Décidément, l'eau et ses légères vaguelettes me fascineront toujours autant, souffla-t-elle. Aussi, j'accepte vos excuses - quoique inutiles."

Elle tira sur son tee-shirt et remonta ses manches gracieusement. Elle se rendit compte qu'elle jouait à être une autre personne. Elle n'avait jamais été gracieuse, hormis durant les bals et les événements où l'on se doit d'être gracieux et beaux. Non, Setsuko était du genre à se prendre des poteaux ou à trébucher sur la seule pierre dans les 10 kilomètres alentour. Pareil pour les aventures amoureuses : " Si il y a un tocard dans le périmètre, ne cherchez pas : il est pour moi ! " songea-t-elle.

" - Mince ! cria Setsuko, en se tapant le front de la paume de sa main, j'ai complétement oublié mes bonnes manières ! Vous avez devant vous mademoiselle Renge Setsuko, la première des ignorantes. Presque 17 et je suis dans l'Internat Bokuseki. En Première."

Elle s'inclina doucement, de façon à faire bonne impression. La première impression est celle que l'on retient le plus et Setsuko proférait de vilaines injures envers elle : elle n'était pas habillée convenablement. Ses vilaines tennis, son vilain short et son vilain tee-shirt lui faisait beaucoup de mal tout à coup. Elle se mit à rougir de colère et de confusion, tout en gardant le sourire aimable.

Tandis qu’elle lâchait la jeune fille, celle-ci tomba par terre… O.O
Yue ouvrit de grands yeux, ne possédant pas de réflexes fulgurants à la wonder woman, elle n’avait pas pu être d’une grande aide dans cette situation. Heureusement, la jolie demoiselle se releva quasi instantanément. Paniquée, notre petite boule de nerfs s’apprêtait déjà à proférer telle ou telle excuse, à force de « Désolée, vous ne vous êtes pas fait mal ? Navrée, vraiment, pardonnez-moi, veuillez m’excuser » ou une quelconque autre rafale d’excuses, mais son interlocutrice n’avait pas l’air vraiment blessée.
D’une politesse exquise, la demoiselle la rassura, lui intimant que ses excuses étaient inutiles, et que l’eau ne lui avait jamais porté grande chance, puis se présenta en s’inclinant.
Yue devint plus rouge que ce qu’elle était déjà – ce qui était pourtant difficilement faisable – en remarquant qu’elle n’avait même pas ne serait-ce que pensé à se présenter jusqu’à maintenant, et s’exclama avec un entrain peut-être trop marqué.

"Ah! Go-gomen! Enchantée, Renge-san! "

Elle s’inclina à son tour, respectueusement, et dans son élan, elle eut presque l’impression qu’elle allait réussir à se cogner le nez contre ses genoux, ce qu’elle parvint tant bien que mal à ne pas faire en relevant gauchement la tête. Elle étendit les bras le long de son corps, et en fixant le sol, elle s’écria :

" Je… Je me présente : Matsumoto Yue, 16 ans depuis peu, je suis aussi à Bokuseki, en d-deuxième année !! "

Pendant un instant d’espoir intense, elle eut la victorieuse impression qu’elle allait réussir à prononcer une phrase sans bégayer, mais l’effet escompté ne se réalisa pas, sur l’avant dernier mot, elle avait bel et bien dit « D-Deuxième »… était-ce donc impossible de vaincre une timidité récurrente ?
Cette remarque faite à l’intention d’elle-même lui arracha un soupir de découragement. Puis elle se rendit compte de son impolitesse : était-ce considéré comme malpoli de soupirer ainsi après s’être présentée ?
Le regard toujours fixé sur le sol, son visage vira doucement, tooout doucement au cramoisi, en passant par un peu toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. D’une lenteur étrangement gênante, elle essaya de se redresser, mais le poids qui lui pesait sur les épaules n’avait rien à voir avec le sac de cours rempli de bouquins qu’elle y portait. Une fois la tête parfaitement droite, peut-être un peu penchée en avant par la honte, elle jeta un regard vers ladite Setsuko, dont les joues avaient pris une jolie teinte rosée, soutenue.
Pourquoi donc ? Aucune idée. Yue se mit à la fixer avec insistance, penchant légèrement la tête sur le côté, tentant de déceler l’émotion qui se dégageait d’elle, et elle remarqua quelque part, une espèce de petite touche de colère… Elle déglutit : était-ce elle, qui l’avait mise en colère ? Cependant, la jolie demoiselle conservait un sourire des plus agréable…
Yue leva une main vers ses cheveux pour pouvoir entortiller une mèche autour de son index, mais ne trouva aucune mèche assez grosse : elle avait les cheveux attachés et portait encore son uniforme de Bokuseki. Instinctivement, elle se mit à se tirer les manches nerveusement, mal à l’aise.